Sorti il y a quelques semaines, le trio Fresu/Galliano/Lungren signe un album d’une grande sensibilité, un objet musical nostalgique et lumineux, avec une invitation à ralentir le mouvement. Un disque tout simplement magnifique et indispensable.
En 2008, le trompettiste Paolo Fresu, l’accordéoniste français Richard Galliano et le pianiste suédois Jan Lundgren se retrouvent autour d’un premier album « Mare Nostrum ». Un album qui va rencontrer un certain succès avec notamment plus de 150 concerts dans une vingtaine de pays. Il y a quelques semaines, le fameux label allemand ACT publie, près de huit ans plus tard, le deuxième opus de cette aventure artistique.
Si loin, si proche
Le jazz est le premier territoire commun aux trois artistes, puis on songe à leurs origines européennes. Si le trompettiste italien Paolo Fresu et l’accordéoniste français Richard Galliano (originaire de Cannes) pourraient se revendiquer de la méditerranée, en revanche Jan Lundgren est plutôt familier de la mer Baltique avec des origines du Sud de la suède. Des brumes du nord au rivage méditerranéen, ce Mare Nostrum (« notre mer » en latin) serait donc t-il l’autre point commun des trois artistes ?
Si la sonorité des instruments renvoie indéniablement l’auditeur à univers jazz, très rapidement le caractère universel s’impose et ces ballades sonnent assez rapidement comme des airs familiers. Les thèmes proposés sont des compositions des trois artistes, à noter deux magnifiques adaptations d’une Gnossienne de Satie et d’une sublime version de Si Dolce È Il Tormento de Monteverdi, deux propositions qui s’intègrent étonnamment avec un très grand naturel à la tonalité tranquille de cet album, une bien belle façon d’abolir doucement les frontières stylistiques. Richard Galliano déclarait récemment à la Tribune de Genève (20/02/2016) à l’occasion d’un concert en Suisse «Je me revendique avant tout comme musicien : ni jazz ni classique, juste musicien. Je ne vois pas de frontières. Dans le baroque, il y avait de grands improvisateurs », avant de rajouter que cet album de ballades et de morceaux très lent que « pourrait être un disque de blues méditerranéen.»
Force mélodique et poétique
Ce qui frappe et qui séduit, c’est le caractère très apaisant des mélodies, l’interprétation est précise, très calibrée, le jeu est dosé presque à l’économie avec un certain sens du dépouillement musical pour ne garder que la substance concentrée de l’essentiel de la musique. Le tempo est ici volontairement ralenti comme pour placer l’auditeur dans un lent bercement.
La dimension dramatique des thèmes porte souvent des tonalités mélancoliques, parfois bouleversantes. Une ambiance nostalgique traverse cet album, à moins que ce ne soit le contraire à la manière d’une embarcation légère qui glisserait sur des eaux tranquilles, mais parfois tourmentées. Ici, la force mélodique peut aussi se concevoir comme une sorte de passage contemplatif, le rayonnement est solaire et place l’auditeur dans un espace intemporel magnifique, comme une offrande à la sérénité.
Le soyeux du bandéon et de l’accordéon de Richard Calliano et l’interprétation lumineuse de la trompette de Paola Fresu dialoguent et raisonnent avec subtilité sur un drapé pianistique sensible. La prise de son (signée Gérard de Haro) est comme toujours très belle et juste, la restitution des timbres des trois instruments constitue notamment un très bel ensemble acoustique parfaitement équilibré, il y aussi du cœur de ce côté-ci de la console…
Il y a des disques que l’on aime et que l’on a très envie de partager, puis plus rarement d’autres objets musicaux nous touchent de manière plus personnelle. Ce « Mare Nostrum II » fait incontestablement parti de ces quelques territoires intimes que l’on aura sans doute besoin de revisiter de tempts à autre. Il faudra savoir se souvenir de cette première écoute comme d’une relation particulière, ce disque est un voyage apaisant et lumineux, c’est aussi un objet musical magnifique et essentiel.
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Disponible sur le comptoir du son ou en téléchargement sur Qobuz
Enregistré, mixé et masterisé par Gérard de Haro aux studios de la Buissonne, Pernes-les-Fontaines (France) du 23 au 26 février 2014 (voir mon article sur le studio)
Prochains concerts : 25/04 Cagliari (Italie), 26/04 Pise (Italie), 3/05 Bâle (Suisse), 29/06 Trélazé.
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