Le Label « Blue note » fête ses 75 ans cette année, l’occasion d’une série de concerts à Paris dans le cadre du Blue Note jazz festival pour célébrer le plus ancien label de jazz encore en activité.
Une épopée incroyable
L’histoire de ce label légendaire, c’est d’abord une incroyable « « success story » à l’américaine qui débute en 1939 lorsque Alfred Lion émigré juif allemand, grand passionné et collectionneur de disques de jazz s’exile à New York, il a un rêve en tête : enregistrer des musiciens afro-américains. La première séance d’enregistrement aura lieu le 6 janvier 1939 : une vingtaine de titres Boogie-Woogie. Les séances vont se succéder avec de nombreux musiciens et le label va connaitre un succès prodigieux dans les années 50/60. Le succès du label c’est d’abord une histoire de rencontres qui vont ancrer l’identité d’un label et d’une marque. Alfred Lion quelques années après son arrivée sera rejoint par le photographe allemand Francis Wolff et le graphiste Reid Miles qui vont permettre aux disques Blue Note de devenir des objets visuels d’une grande originalité avec une signature esthétique immédiatement reconnaissable.
Le son Blue Note
Blue Note c’est aussi un son particulier, une esthétique sonore qui a fait aussi le succès du label pendant son âge d’or. Ce son, c’est d’abord le travail d’un homme : Rudy Van Gelder, unique ingénieur du son pendant toute cette période. Il va enregistrer tous les albums du label dans le salon de sa maison du New Jersey avec les mêmes conditions techniques. Des conditions artisanales mais très professionnelles et une obsession : reproduire le son des instruments tel qu’il l’entendait pendant les séances d’enregistrement, « a sound bigger than life » (un son plus grand que la vie) comme Rudy Van Gelder se plaisait à qualifier son travail. Cette ambiance familiale permettra aussi de choyer et de placer les musiciens au coeur du dispositif, Blue Note a par exemple été l’un des premiers labels de l’époque à rémunérer ses musiciens pour leurs répétitions avant les enregistrements.
Séance d’enregistrement d’Herbie Nichols dans le salon de Rudy Van Gelder
Un label en phase avec son époque
Un label qui sera toujours dans l’air du temps, avec le triomphe du Be-bop puis du hard bop, un musicien comme Art Blakey (et ses jazz Messengers) a été l’une des grandes figures du label. Les choix artistiques sont audacieux avec l’exploration de nouvelles voix, ce « new thing » comme on décrivait à l’époque le free jazz avec des musiciens comme Cecil Taylor ou Ornette Coleman. Blue Note déniche aussi de jeunes talents comme ce jeune pianiste inconnu en 1962 : Herbie Hancock. Si les années 70/80 seront surtout consacrées à un important travail de réédition. A partir du milieu des années 80 le label enrichi son catalogue avec une définition assez large du jazz, des jazz en intégrant par exemple des musiciens de soul ou de rap.
Deux questions à Nicolas Pflug, Directeur Artistique du label Blue Note (Universal Music)
– L’héritage exceptionnel du label n’est il pas finalement un peu lourd à porter aujourd’hui ?
C’est vrai qu’à l’époque de l’âge d’or du Label, tous les musiciens habitaient New-York et que dans une certaine mesure, tout était plus facile. Mais si l’on regarde bien le catalogue du Label, on constate que Blue Note a toujours été en avance sur son temps avec un esprit avant-gardiste et précurseur. Notre objectif aujourd’hui est le même : produire des musiciens qui font la « bande son » de notre époque dans toute sa diversité avec des artistes sont parfois à la frontière des styles musicaux.
– Comment percevez-vous l’évolution du marché du disque et les nouveaux moyens d’écoute de la musique ?
Je ne suis pas particulièrement inquiet, c’est vrai que nous vivons une époque en complète mutation et les moyens d’écouter de la musique se diversifient. Nous devons nous adapter et prendre en compte le développement inéluctable de la musique dématérialisée. Cependant les supports physiques continuent de cohabiter avec ces nouveaux formats. Depuis deux ans, toutes nos nouveautés sont également éditées en vinyle, ces ventes sont aujourd’hui aussi importantes que celle des CDs.
Le label propose également une application spécifique Blue Note Spotify permettant de découvrir l’intégralité du catalogue et une sélection de 75 albums du label qui sont intégrés dans un lecteur portable très haute défintion Alstell & Kern, à l’occasion de l’anniversaire du label.
Note Bleue ?
Le terme de « Blue Note », qui a donné son nom au label est devenu au fil du temps un véritable qualificatif du jazz. Cette note bleue est une notion de technique d’harmonie musicale : une pratique qui consiste à abaisser légèrement d’un demi-ton certaines notes d’une gamme afin de donner cette couleur musicale si particulière au blues et au jazz.
Concernant le label légendaire, le mot de la fin revient à Woody Allen qui aurait déclaré : “Dieu créa la femme, le cinéma… puis le jazz et Blue Note !”
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- Le programme du festival Blue note à Paris jusqu’au 23 novembre
- Les concerts du festival rediffusés sur Arte
- Photographies de Francis Wolff – livre « The Blue note photographs of Francis Wolff »
- Site officiel du label (en anglais)