Je suis un peu tombé à la renverse à la première écoute de l’album du pianiste Thierry Maillard sorti il y a tout juste un mois. Un projet audacieux et courageux : plus de vingt musiciens, des compositions au service d’un trio de jazz, d’un orchestre à cordes et de quelques invités dont l’éclectisme promet à l’ensemble une grande variété d’influences.
Pianiste, arrangeur, compositeur et orchestrateur, il a joué aux côtés des musiciens de jazz les plus prestigieux (notamment John Patitucci, Dennis Chambers, Bireli Lagrène ou Michel Portal) . Fort d’une formation classique, le pianiste assure avoir toujours eu un pied dans le jazz et l’autre dans le classique, revendiquant des influences notament chez Bartok et Stravinsky. Parmi ses nombreuses formations, en 2002 il fonde un sextet composé d’un trio de jazz et d’un quatuor à cordes. Depuis de nombreuses années, Thierry Maillard écrit beaucoup de musique : pour ces nombreuses formations mais aussi pour le cinéma. Musicien inclassable, Jazzman atypique pour les uns ou pianiste classique contrarié pour les autres, l’intéressé semble bien peu préoccupé par ces étiquettes. Si le jazz reste son port d’attache, Thierry Maillard est un voyageur au long cours, qui n’hésite pas à s’embarquer avec des musiciens de tous horizons.
Thierry Maillard (© photo : Philippe Levy)
Dès la première plage, on fait face à cet orchestre à cordes, les premières secondes m’interrogent, j’attends, je cherche des repères. Les plages défilent et l’alchimie lyrique et énergétique s’imposent peu à peu comme une marque de fabrique. Très vite on s’aperçoit que les étiquettes ont été abandonnées en fond de cale, la boussole bien dans la poche. Cet album est une traversée au long cours, un paysage grandiose défile sous nos yeux. Sur le pont, on s’attache et on fait face à la mer, on croise de beaux oiseaux venus d’ailleurs : les vents de Didier Malherbe, magicien espiègle et grand souffleur du Hadouk trio, les percussions et le groove afro-latin de Minino Garay ou bien encore la harpe classique de Dorothée Cornec. Ce qui emporte très vite l’adhésion, c’est aussi le lyrisme d’un propos qui n’est jamais languissant. L’orchestre à cordes n’est ni un faire valoir esthétique ni un habillage exotique mais il est intégré à l’ensemble avec justesse et intelligence, une cohérence qui n’est ici possible que par la qualité de l’écriture et la rigueur des arrangements : deux cartes-maîtresses qui alimentent une pulsion rythmique d’une efficacité sans faille.
Thierry Maillard est un capitaine qui pilote son navire avec une énergie sans cesse renouvelée, un peu à la manière d’un Ibrahim Maalouf. Au final, le dépaysement est total, c’est tout un imaginaire qui s’offre, l’écriture est souvent cinématographique. Cette sensation de traversée prendra tout son sens pour tous ceux qui feront le choix d’une écoute de l’album de bout en bout sans escales afin de profiter pleinement de ce voyage riche en couleurs et en surprises . Au delà de la brillante démonstration d’un certain œcuménisme musical, Thierry Maillard apporte surtout, avec panache, la signature d’un homme profondément libre.
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Courte video du “making of” du disque , séances d’enregistrement & interviews de musiciens
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The Alchemist ( CD Cristal Records / Harmonia Mundi). Composition & Direction d’orchestre : Thierry Maillard Trio : Thierry Maillard (Piano), Matyas Szandaï (Basse), Yoann Schmidt (Batterie) Invités : Didier Malherbe ( Duduk, flûtes), Minino Garay (percussions), Nil Gersetenberg (Whistle), Dorothée Cornec (Harpe), Djemai Abdenour (Oud), Bruno Bongarçon (guitare) Orchestre à cordes : Akemi Fillon, Anne Gravoin, Marianne Lagarde, Jacques Gandard, Ana Millet, Laetitia Ringeval (Violons) – Lise Orivel, Jean-Marc Apap, Christophe Briquet (Altos) – François Salque, Miwa Rosso, Jean-Batiste Goraïeb (Violoncelles).
L’album est aussi disponible aussi chez Qobuz, Itunes et Spotify.