Les belles vibrations de Pierre Charrié

18 mars 2016

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Photo : Damien Arlettaz[/caption]

Il y a quelques jours, j’ai fait la rencontre de Pierre Charrié, un jeune designer qui s’intéresse à la reproduction du son d’une manière originale en faisant raisonner des panneaux d’érable. Des objets design qui se démarquent totalement de la technologie et de l’esthétique des enceintes acoustiques classiques.

Les ateliers de Paris hébergent de jeunes créateurs dans les domaines des métiers d’art, du design ou de la mode. L’un de ces lieux est situé dans le quartier de la Bastille, il faut monter au premier étage de ce discret immeuble pour rejoindre le local de Pierre Charrié. Installé sur une mezzanine, l’espace est tout juste suffisant pour recevoir son bureau, une petite étagère et une installation éphémère de ses « surfaces  sonores ».

Pierre Charrié est un mélomane depuis sa plus tendre enfance. A bonne école entre un père hautboïste et une mère ergo thérapeute, il sait d’où lui vient sa passion pour la musique et son intérêt pour les objets, très tôt il choisit d’abord le dessin. Après l’école des beaux arts, ce dernier rejoint une école de design appliqué : l’ENSI (Ecole Nationale des sciences industrielles). Dans le cadre de sa formation, il conçoit et réalise des meubles et collabore aussi pour des agences de design industriel. Parmi ses nombreux projets, il évoque ce qui a motivé son projet « surfaces sonores ». « Cette initiative est née d’abord du simple constat que l’esthétique des enceintes acoustiques est très standardisée, il s’agit toujours d’une boite avec un ou plusieurs haut parleurs ». Des contraintes qu’il cherche à contourner non pas pour révolutionner le monde de l’acoustique, mais pour valoriser la fonction de reproduction sonore par un objet design, avec de fait, la nécessité de trouver d’autres solutions techniques pour la diffusion sonore.

La technologie du vibreur acoustique

Ainsi, ses recherches le conduisent vers la technologie du vibreur acoustique, un petit appareil qui se connecte sur la sortie HP d’un amplificateur (comme pour une paire d’enceinte) et qui s’applique sur surface (généralement en bois ou en verre) qui servira de support à la diffusion du son. Très vite, il imagine des surfaces sobres en bois, une idée qui va rapidement se concrétiser sous la forme de panneaux autoportés et courbe en multiplis d’érable, des panneaux qu’il suffit de poser au sol, mais qu’il est aussi possible de suspendre. Les vibreurs sont vissés au dos des panneaux sur un support qui est lui même collé. Le galbe obtenu leur confère à la fois stabilité, rigidité et légèreté pour une qualité sonore optimale. Accompagné par un bureau d’étude acoustique, puis par un ingénieur du son, il étudie les formes pour optimiser la diffusion du son sur une telle surface et procède à une étude comparative de différents vibreurs parmi un grand nombre sur le marché et réalise ses premiers tests. « Nous avons cherché à obtenir les résultats les plus intéressants, ces travaux se sont réalisés de manière assez empirique, car comme vous pouvez vous en douter, ce type de projet ne permet pas de réaliser les tests de performances acoustiques réalisés habituellement sur une enceinte acoustique». Les panneaux existent en deux dimensions, ils peuvent être utilisés en mono ou en stéréo avec deux ou plusieurs panneaux.

[caption id="attachment_11094" align="aligncenter" width="440"]34_artsdecos-01 Photo : Damien Arlettaz[/caption]

Art décoratif

Le Musée des arts décoratifs a exposé ces surfaces sonores durant l’été 2015, sous la forme d’un parcours musical dans le musée. Les objets ont été mis en scène dans des pièces aménagées avec une décoration d’époque présente au sein de la collection du musée. Les surfaces diffusant de la musique, ont proposé ainsi un dialogue avec les pièces historiques, chaque panneau diffusant la partition d’un instrument distinct, reproduisant ainsi les conditions d’écoute d’un ensemble acoustique, un quatuor à cordes dans le cas présent (à partir d’un mixage avec la séparation de 4 voies distinctes).

Pierre Charrié a créé un autre objet sonore sur un principe équivalent « Luthia ». La conception de ce panneau a été élaboré avec tous les savoir-faire d’un luthier de guitares (Romuald Provost). L’objet a été conçu à partir des techniques de fabrication traditionnelle d’instruments à cordes à savoir une planche d’épicéa mise en tension sur une structure de barrages, comme sur une guitare.

[caption id="attachment_11111" align="aligncenter" width="440"]29_surfaces-04 Photo : Damien Arlettaz[/caption]

Mes écoutes

Mes premières écoutes ont révélé une restitution pour le moins originale et multidirectionnelle (les panneaux diffusant le son aussi bien par l’avant que par l’arrière) sans aucune projection et avec une diffusion que l’on pourrait qualifier de rayonnement. Les écoutes de titres acoustiques avec notamment des instruments à cordes est superbement réaliste. La texture des timbres des instruments à cordes est très précise et très belle, cette proposition offre à la musique une étonnante présence, chaleureuse et sans aucune agressivité. A faible volume, les yeux fermés, la similitude avec la réelle présence acoustique d’un violon ou d’une guitare est franchement troublante.

En revanche, l’écoute d’un répertoire plus « électrique » ou orchestral fait apparaitre d’un manque notoires de graves. Dans le cadre de ses derniers réglages, Pierre Charrié va prochainement faire  des essais avec un caisson de grave additionnel afin de compenser ce défaut. La toute dernière version du prototype est en cours de finalisation, avec le tests de nouveaux vibreurs associés à une gamme d’amplificateurs de qualité (celui utilisé pour la démonstration fut des plus fonctionnel).

[caption id="attachment_11090" align="aligncenter" width="441"]33_luthia-01 Luthia (photo : Damien Arlettaz)[/caption]

À l’instar de son expérience avec le musée des arts décoratifs il y a quelques mois, Pierre Charrié envisage de développer d’autres collaborations avec des lieux publics sans exclure pour autant le marché des mélomanes. Les grands amateurs de musique acoustique et d’instruments à cordes en particuliers pourraient prendre en compte cette alternative d’un genre nouveau. Si l’originalité de ces surfaces sonores représente une incontestable valeur ajoutée esthétique, ces objets proposent aussi une reproduction formidablement naturelle,  les instruments à cordes révèlent par exemple avec une présence très charnelle. La musique acoustique respire sous un jour nouveau avec de bien belles … vibrations.

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Les surfaces sonores de Pierre Charrié sont exposées à la Great Design Gallery de Paris du 17 mars au 14 avril 2016.

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