Pierre Riffaud : Haute couture analogique

4 mars 2016

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EX inter-2 copie Il y a quelques semaines, j’ai eu le plaisir de recevoir Pierre Riffaud, un artisan français concepteur de platines vinyles haut de gamme. Ce dernier est venu me présenter le prototype de son tout dernier modèle. Une rencontre des plus passionnantes autour d’un parcours singulier et d’un objet hors du commun.

La passion de la mécanique et de la musique

Pierre Riffaud est un infatigable curieux, un observateur hors pair et un « bricoleur haut de gamme» passionné et ingénieux: il a par exemple dessiné et réalisé des meubles ou conçu et fabriqué un télescope. Dans le civil, Pierre Riffaud fût ingénieur mécanique, il a notamment travaillé plus de trente ans pour la société Airwell qui fabrique des climatiseurs et des systèmes de chauffage. Mélomane depuis toujours, il a toujours baigné dans le domaine de la musique et des disques, car il fût disquaire avec sa femme dans les années 70/80 en région parisienne et c’est donc tout naturellement qu’il venait prêter mainforte à la boutique en soirée et le weekend.

potrait 1« A l’époque, la boutique était équipée de trois platines vinyle Garrard 401 pour permettre au client d’écouter les vinyles avant de les acheter. Le choix de cette platine était évident, car elle a toujours été réputée pour ses qualités et par sa longévité, la conception de sa mécanique est inusable. J’ai ainsi passé de nombreuses heures à passer d’une platine à l’autre pour faire écouter les vinyles , rapidement je me suis aperçu qu’il était très difficile de gérer trois platines en même temps et c’est ainsi que la troisième des platines Garrard s’est retrouvée dans mon salon » se souvient –il.

Il passe ainsi de longues heures à écouter ses vinyles à la maison sur cette Garrard mais sa curiosité naturelle et son gout très prononcé par la chose mécanique l’amènent à la démonter. Progressivement, il apporte quelques modifications mécaniques, mais très vite l’engin ainsi modifié s’étale peu à peu sur la table du salon jusqu’au jour où son épouse lui demande de bien vouloir libérer la place ! Contraint alors de remonter la fameuse platine sous sa forme d’origine il est alors totalement stupéfait par la différence qualitative revue fortement à la baisse. Intrigué, il renouvèle ses améliorations en les intégrant cette fois dans un nouveau coffrage et souhaite faire partager le fruit de ses « découvertes » en passant une petite annonce dans la revue du son en 1983. Le patron de Métronome technologie de l’époque (Dominique Giner) prend contact avec lui pour écouter la fameuse machine, il fait alors le déplacement jusqu’à Toulouse, de là il trouvera quelques premiers clients par le simple bouche-à-oreille. A partir de cette date Pierre Riffaud n’aura qu’une obsession en tête : améliorer sans cesse le rendu sonore de certains modèles de platines, un niveau d’exigence qui l’amènera plus tard à la conception de ces propres platines.

[caption id="attachment_11032" align="aligncenter" width="368"]Épure dorée Modèle Epure “dorée”[/caption]

Les premiers modèles « maison »

La fabrication sur commande se développe peu à peu, mais cette activité rencontre rapidement ses limites, car elle est conditionnée par l’achat de châssis nus de Garrard 401 d’occasion (qui se raréfient, car ce modèle n’est plus fabriqué) et dont les prix grimpent peu à peu. Le déclic se produit un jour lorsqu’il acquiert un châssis de très mauvaise qualité, un évènement qui le conduira à décider de produire sa propre platine. Ainsi le modèle « Epure » voit le jour en 1984, il connaitra un beau succès au salon du son de la défense en 1986. Ce modèle (comme tous ceux qui suivront) revendique la suppression des résonnances stationnaires dans les organes d’une platine disque, l’utilisation matériaux nobles de très haute qualité tout en privilégiant une certaine simplicité. Mais en 1990 il décide à regret de mettre un terme à son activité compte tenu du déclin du vinyle et faute de commandes suffisantes. Il faudra attendre 15 ans pour voir renaitre quelques espoirs lorsqu’au salon de la HIFI à Milan il sera en effet très surpris de constater que près de la moitié des démonstrations s’effectue avec des platines vinyles. En 2007, il décide d’exposer dans un salon parisien et réalise un premier châssis en granit noir à la demande de certains clients, une réalisation qui ne laisse pas indifférente et permet la rencontre avec Didier Hamdi alors jeune repreneur de Micromega. Après de longues discussions, la platine Epure deviendra finalement un produit Micromega à part entière en 2008, Pierre Riffaud ayant accepté de céder son brevet tout en conservant son nom en tant que concepteur. A partir de 2009, il décide de produire ses propres modèles et Jadis lui proposera plus tard de réaliser une platine vinyle pour la marque : la Thalie.

«Mon travail et mes réalisations se sont construites à partir d’une succession d’expériences à partir des quelles je crois avoir tiré des enseignements bénéfiques, chaque modèle m’a apporté un savoir-faire ou une innovation que j’ai utilisé pour la conception des modèles suivants » se souvient Pierre Riffaud. L’aboutissement de 30 années de recherche finira par se concrétiser et se concentrer dans un modèle ultime : l’intemporelle. Pierre Riffaud propose également un véritable service de création sur mesure (à partir d’un cahier des charges) afin de proposer à un particulier ou en partenariat avec une marque la conception et la fabrication d’un modèle unique.

[caption id="attachment_11034" align="aligncenter" width="369"]DSCF1745 Prototype “EX”[/caption]

Le prototype « EX » : une magnifique expérience

C’est en compagnie du tout dernier modèle sous le nom de code provisoire « EX » que Pierre Riffaud m’a donc rendu visite. Le transport d’une très imposante caisse a véritablement nécessité l’usage de l’espace d’un très grand break allemand et de quatre bonnes paires de muscles ! Une caisse qui laissait présager un appareil pour le moins massif. La dépose du socle nécessite en effet deux personnes pour soulever délicatement les 35 kilos. Une trentaine de minutes seront ensuite nécessaires pour le montage et l’assemblage minutieux de tous les éléments (axe, plateau, support de bras, moteur, bras…). Comme chacun des modèles, ce joyau est entièrement conçu, réalisé et assemblé à la main. A l’exception de quelques composants comme les courroies, les câbles ou le moteur (fourni par la société Crouzet dans le Gard) de très nombreuses parties mécaniques sont fabriqués par Pierre Riffaud lui-même ou font l’objet d’un usinage maison comme le bras (fourni sous la forme d’une ébauche brute) et qui représentera à lui seul un poids de 1,1 kg ! L’optimisation du bras de lecture est l’un des nombreux savoir-faire de P. Riffaud, comme sur tous les modèles, il propose à chacun de ses clients une sorte « d’essayage » sur le modèle : un réglage spécifique du bras en atelier en fonction de la cellule choisie. La réalisation du socle en aluminium nécessite quand à elle l’intervention de nombreux sous-traitants : « pas moins de trois fournisseurs sont nécessaires, le fournisseur de la matière brute, le fraiseur qui usine la pièce et enfin un dernier intervenant réalise le polissage et le traitement de surface ».

[caption id="attachment_11038" align="aligncenter" width="368"]DSCF1741 Prototype “EX”[/caption]

Ce prototype (dont l’avancement est quasiment définitif selon P. Riffaud) est entièrement réalisé en aluminium dans la masse propose une esthétique épurée et intemporelle qui n’est pas sans rappeler celle de la gamme des amplificateurs Devialet. Le premier plaisir visuel atteint son ravissement quand le plateau se met à tourner dans un silence absolu. Observer cette platine en mouvement est un ravissement pour les yeux, la précision des mouvements du bras est horlogère sans parler de la finition exceptionnelle où aucun détail n’a semble-t-il échappé à son créateur. Le prototype sera relié à un amplificateur à tubes Jolida JD303 à l’aide d’un modeste pré amplificateur phono Moon 110LP, le tout alimentant des enceintes Mulidine Cadences à l’aide de câbles ZEF Max. A l’écoute du boléro de Ravel la scène sonore est très détaillée, le réalisme est saisissant et la vie de la musique s’exprime magnifiquement, les enceintes Mulidine cadences battent la mesure avec élégance de cette sublime source. Je n’ai pas le souvenir d’avoir entendu le Boléro de Ravel avec une telle présence. Le grand Jacques (Brel) nous offre aussi de beaux moments : un timbre de voix particulièrement riche et charnel et une image stéréo très précise.

[caption id="attachment_11024" align="aligncenter" width="369"]DSCF1763 Prototype “EX”[/caption]

Entre deux vinyles, nous poursuivons nos échanges et je l’interroge sur sa perception du « retour » du vinyle et si cela impacte son activité : « Il est indéniable de constater que les platines vinyles sont de nouveau à la mode et que les disques vinyles sont réapparus en nombre chez les disquaires. Cependant mon offre reste singulière et de fait marginale. Je ne vous cache pas que mes produits se trouvent un peu noyés dans la masse des produits disponibles sur le marché. Pour le reste, je crains hélas que le soufflet de la renaissance du vinyle ne retombe aussi rapidement qu’il n’est apparu ».

Loin des tendances d’un marché saturé de nouveautés, Pierre Riffaud poursuit indéniablement sa route et son bel ouvrage. A la manière d’un grand couturier, cet artisan d’art continue de donner naissance à des objets d’exceptions, rares et intemporels !

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Diaporama du prototype « EX »

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Trois modèles sont aujourd’hui disponibles sur commande avec un délai minimum de trois mois, le modèle évolution est lui entièrement personnalisable.

Modèle Classique : de 3900 € à 4900 € • Modèle intemporelle : de 6700 € (sans bras) à 9400€ complète, sans cellule • Modèle évolution (personnalisable) : à partir de 5500€

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