Il faut sauver la radio numérique !

2 octobre 2015

Apprendre

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Tous ceux qui ont fait l’expérience d’écouter la radio sur un bon système hifi s’en souviennent. Pour avoir beaucoup circulé dans les studios de Radio France ces dernières années, j’ai souvent été frappé par le son studio diffusé par les enceintes de monitoring
dans la console de mixage du technicien. Mes différents systèmes et tuners m’ont parfois permis de retrouver cette acoustique particulière, ce son « studio » tellement attachant qui offre le grain de voix de tel journaliste ou animateur .

L’écoute d’un concert en direct ou la diffusion d’une bonne émission musicale reste évidemment un must. Je me souviens avec précision de la voix singulière et émouvante d’André Francis sur France inter lorsqu’il animait ses émissions “jazz vivant”. La diffusion à une heure un peu tardive pour le collégien que j’étais m’obligeait à ma relever en cachette de mes parents pour écouter l’émission au casque. Le caractère interdit et nocturne de mon « aventure » donnait à cette expérience une saveur toute particulière.

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L’ampli Tuner de mon enfance ( Pioneer SX 550)

Vous l’aurez compris j’aime la radio et le son de la radio, mais aujourd’hui, les tuners  haute fidélité se raréfient et le développement des radios internet et de la radio numérique ne nous donnent pas que des signes encourageants sur l’avenir de la radio.

« Cela fait de nombreuses années que l’on ne m’a pas demandé un tuner hifi » me confiait le vendeur d’une boutique de hifi parisienne très récemment. Le vieux tuner FM est donc en passe de rendre les armes, c’est la loi de l’offre et de la demande. Il faut dire que le tuner n’offre pas que des avantages : la qualité de la bande FM reste très en dessous de celle d’un CD d’une part et une parfaite réception FM repose souvent sur la nécessité d’installer une antenne sur le toit. Ce bon vieux tuner est donc souvent remplacé par des streamers qui vous permettent de lire la musique dématérialisée sur internet et qui disposent souvent d’un service de radio internet.

Radios internet : l’abondance au détriment de la qualité

Il existe en effet une multitude de plateformes gratuites qui vous permettent sur internet d’écouter des centaines de radios du monde entier, le site radio.fr vous permet par exemple d’écouter plus de 30.000 radios, mais force est de constater qu’elles diffusent pour la plupart un signal de qualité proche du mp3. La radio sur internet s’est en réalité démocratisée avec le développement de l’internet mobile, si quelques smartphones étaient équipés d’un récepteur FM, aujourd’hui la connexion wifi ou 3G s’avère très performante pour écouter votre radio préférée, toutes possèdent à présent une application mobile qui facilite l’écoute de votre station préférée en mobilité.

La radio numérique : la solution !

À l’instar de la TNT (Télévision Numérique Terrestre), la radio a besoin de mener sa révolution numérique, condition indispensable pour bénéficier d’une qualité auditive optimale en vue de remplacer à terme la bande FM vieillissante et totalement saturée.

Depuis les années 1990, nombre de pays adoptent progressivement la radio numérique terrestre (RNT) dont les normes DAB et DAB+ deviennent les normes de références. Par exemple, chez nos voisins suisses près de la moitié de la population bénéficie de ce nouveau format, en Suisse romande, toutes les chaines de la radio publique suisse sont diffusées en DAB+ depuis plusieurs années. La Norvège a développé son réseau de radio numérique depuis 1995 !

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Tuner NAIM ND5 XS

Les avantages et les inconvénients de la RNT

La qualité de son est absolument incomparable (j’en ai fait personnellement l’expérience lors de nombreux passages à Genève), les stations de radio ont la possibilité de rajouter un contenu enrichi au signal numérique audio avec des informations qui apparaissent sur l’écran de votre poste : noms des artistes, pochettes d’albums, photos, titres de l’actualité … L’utilisation du “time shifting” est aussi un avantage intéressant qui vous permettra de mettre votre programme en pause pour le reprendre en suite. La RNT offre également une navigation simplifiée avec une présélection automatique des stations.

Coté inconvénients, le passage au numérique représente un coût important pour les radios qui devront passer par une technologie de multiplexage pour la diffusion numérique. La réception des programmes radio numériques nécessite obligatoirement un appareil compatible et votre appareil radio FM deviendra alors obsolète. Cependant la plupart des appareils numériques (norme DAB+) sont compatibles aussi en FM pour permettre un usage mixte. Côté matériel on trouve des appareils portatifs à partir d’une cinquantaine d’euros, l’offre de tuners n’est pas très abondante, certaines marques comme ROTEL, ONKYO ou YAMAHA proposent quelques modèles, mais le must étant pour l’heure le NAIM ND5 XS, un lecteur réseau qui dispose d’un tuner qui (après voir installé le module en option) pourra tout lire : les radios internet, la bande FM et les radios numériques compatibles DAB+ .

Ayant la chance d’habiter dans une zone à peu près couverte, je me propose de réaliser des tests prochainement, l’occasion aussi de tester le rendu sur un appareil portatif de qualité.

La RNT en France : des atermoiements politiques qui en disent long …

Peut être faites vous parti des 54% de Français qui n’en ont jamais entendu parlé selon un sondage réalisé par OpinionWay en février 2015 qui révèle également que seulement 16 % des personnes interrogées affirment “bien savoir de quoi il s’agit ». Le déploiement de la RNT est bien en cours en France mais le parcours semble autant chaotique qu’incertain.

Les communications officielles sur le projet de déploiement de la RNT en France datent pourtant de 2007, depuis cette date le projet de déploiement avance à l’allure d’un escargot sur route sèche. En effet, le premier arrêté ministériel pour la création et  déploiement d’une radio numérique date effectivement de 2008. De nombreuses tergiversations et hésitations politiques multiples ont traversé tous les gouvernements. Une première polémique s’installe en 2007 autour de la  norme retenue (T-DMB) qui ne convainc à peu près personne, les détracteurs rappelant au passage que la norme DAB représente un standard ouvert et que cette norme a été retenue par tous nos pays voisins.

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Je vous laisse apprécier le décalage entre le slogan et le visuel …

Après cette longue période d’errance politique, la radio numérique est officiellement lancée début 2012 par le CSA et le gouvernement décide d’adopter finalement la norme DAB+. En mai 2012, certains grands groupes privés de radio se retirent du projet argumentant une possible chute des revenus publicitaires. En septembre de la même année le gouvernement indique qu’il ne présentera finalement pas de fréquences pour Radio France dans trois grandes villes choisies pour le premier déploiement à savoir : Paris, Marseille et Nice. Les appels à candidatures et les consultations publiques se multiplient et peu à peu la RNT se déploie dans les trois villes et des fréquences sont progressivement attribués par le CSA.

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J’ai dialogué cette semaine avec un responsable RNT au CSA afin de tenter de comprendre l’évolution du déploiement de la RNT aujourd’hui. Le rôle du CSA dans ce projet est l’attribution de fréquences dont la décision dépend de la seule décision du gouvernement (Ministère de la Culture). Mon interlocuteur au CSA ne fût visiblement pas en mesure de me donner des chiffres sur la couverture actuelle, aujourd’hui seuls Paris, Marseille et Nice sont concernés par le premier déploiement, Lyon et Nantes sont en phase d’expérimentation, mais le CSA assure qu’un plan de développement pour toucher d’autres villes est bien en cours. Il semblerait que le Ministère n’ait pas changé de position sur la non-attribution de fréquences pour Radio France pour le moment. Même si le groupe public ne décide nullement des fréquences qui lui sont attribuées, les dirigeants de Radio France ces dernières années n’ont pas toujours été très enthousiastes vis-à-vis de la RNT. Numériser les studios de production est une étape naturelle et mise à niveau indispensable, mais la poursuite d’une diffusion en FM est un non-sens en terme de confort auditif pour l’auditeur. Je continue d’espérer et de penser que cet aspect intéresse un tant soit peu les dirigeants de Radio France.

 ” La RNT est devenue au fil du temps
la patate chaude de l’audiovisuel français “

Comment imaginer le déploiement de la RNT sans les chaines publiques de Radio France ? Avec tout le respect que j’ai pour la diversité radiophonique en France, la liste des radios qui émettent actuellement en RNT laisse tout de même un peu rêveur. Le service des médias audiovisuels du Ministère de la Culture n’a pas souhaité répondre à mes sollicitations, il est visiblement urgent … de ne rien faire ! On ne peut pas dire que le déploiement de la RNT soit une priorité du gouvernement pas plus que pour les précédents !

Dans son dernier rapport sur les modes de diffusion de la radio publiée en janvier 2015 , le CSA conclu “qu’une clarification est nécessaire sur la stratégie pour le service public de la radio sur la RNT“. Les annexes du document sont assez éloquentes sur le retard de la France dans de domaine de la RNT. Mon interlocuteur du CSA reconnaissait que nous étions très très loin du seuil des 20 % de la population française couverte par la diffusion de services de RNT, un seuil à partir duquel la loi fixe une obligation de réception de la RNT qui s’imposerait alors à tous les postes de radio neufs. Fin 2014 seulement 200.000 postes de radio numériques avaient été vendus.

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Faut-il vraiment croire encore à la RNT en France ?

On est en droit de poser sérieusement la question tellement ce bébé a été malmené puis laissé à l’abandon, sa croissance s’en trouve désormais fortement ralentie. Force est de constater que la radio est de nouveau le parent pauvre face à la télévision, il suffit d’observer à la vitesse à laquelle la TNT s’est développée pour s’en laisser convaincre. La RNT est devenue au fil du temps la patate chaude de l’audiovisuel français, passant de main en main, le dossier semble ne passionner personne. Auditeurs sachant auditionner, levez-vous pour affirmer que la radio mérite enfin un format digne de son époque, il faut sauver la radio numérique et accélérer vraiment son déploiement. L’avenir de la radio dépend aussi de son évolution technologique.

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Pour aller plus loin :

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2 Réponses à “Il faut sauver la radio numérique !”

    • Bonjour,
      Merci pour cette mise au point précise sur un sujet Serpent de mer !
      Il se peut aussi que la solution vienne du net. Sur iTunes, on trouve The Organ Experience ou Canal Classic qui diffusent à 310 kbit/s, la BBC l’a fait mais épisodiquement. Trois stations délivrent du classique et huit sont dédiées au jazz en 310 kbit/s. En 310, on a une qualité largement améliorée pr rapport au MP3 de base.
      France Musique diffuse en 128 tout en restant difficile à trouver (en plus, l’adresse est souvent modifiée : il faut le vouloir pour la trouver, ce qui est scandaleuxx !)…
      Bref, je souscris à ce que vous dites, la RNT (ex DAB) ne verra surement jamais le jour.
      Le temps est loin où de Gaulle a pu imposer la TV couleur en conduisant les téléspectateurs à changer leur poste. Et encore, le SECAM a été conçu pour que les foyers équipés en N&B puissent recevoir quand même la “deuxième chaîne”. Vous y faites allusion, il faudrait une très longue période transitoire.

      Conclusion n°1 : C’est surement obsolète mais personne n’a le courage de le dire.
      Conclusion n°2 : Entre nous, un concert de France Musique en direct sur un tuner analogique, c’est fabuleux (j’ai un Sansuii 9900) avec un vrai son analogique tellement recherché aujourd’hui !

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